Il y a des années, alors que j’apparaissais avec la Royal Shakespeare Co. à Londres, j’ai eu une semaine de congé et j’ai décidé qu’une gâterie s’imposait. Charlie, ma moitié, m’a rencontré à Londres et nous avons pris un vol ridiculement bon marché pour l’Italie. Bien sûr Venise était au programme, et surtout un restaurant recommandé par tous mes amis de Food & Wine : Osteria alle Testiere. A notre arrivée, nous avons essayé de réserver, mais sans succès. J’étais écrasé, mais j’étais à Venise, donc je ne pouvais pas vraiment me sentir si mal.
Nous avons suivi les conseils d’amis visiteurs aguerris de Venise et nous sommes laissés perdre. Je crois que c’est la seule façon de voir Venise. C’était magique. Et puis, en fin d’après-midi, nous nous sommes retrouvés devant les portes fermées de l’Alle Testiere. J’ai recommencé à m’apitoyer sur mon sort, et quand je me suis retourné pour partager mon chagrin avec Charlie, il était introuvable. Et puis je l’ai vu, à quatre pattes, ramper sous la grille de sécurité métallique !
Alors que je regardais avec horreur… rien ne s’est passé. J’ai attendu, sûr qu’il allait être arrêté. Puis il apparut, se glissant sous la porte, l’air à la fois en désordre et immensément satisfait de lui-même. Si nous acceptions de manger très très tôt et de ne pas nous attarder indéfiniment après notre repas, ils acceptaient gracieusement de nous laisser être les premiers clients ce soir-là. Nous avons couru jusqu’à notre hôtel, pris une douche, nous sommes changés et sommes rentrés en courant. Nous avons ensuite pris l’un des meilleurs repas que nous ayons jamais mangé. J’ai eu Schie con Polenta : de minuscules crevettes de saumure vénitiennes avec du vin blanc et de l’ail servies sur une polenta moelleuse. C’était un repas et une soirée que je n’oublierai jamais, grâce à Charlie et à la merveilleuse équipe du restaurant.
Puisqu’il n’est pas possible pour la plupart d’entre nous de prendre l’avion pour Venise pour le dîner, ce repas magique est facile, sinon reproductible, du moins approximatif. Je dis cela parce que je suis presque sûr que vous ne pourrez pas trouver les fameuses crevettes de saumure grises vénitiennes aux États-Unis. Ces crevettes sont vraiment petites et sucrées. Mais nous avons tous accès à d’excellentes crevettes chez nos poissonniers. Pour cette recette de crevettes et polenta, il vous suffit de préparer un lot de polenta, ce qui n’est pas difficile du tout ; il suffit de remuer un peu. Et pendant que la polenta mijote, faites cuire un peu d’ail avec du vin blanc et du bouillon, ajoutez les crevettes et laissez cuire environ quatre minutes avant d’incorporer un peu de beurre et de cuire les crevettes à la vapeur jusqu’à la fin.
Le péché capital lors de la préparation des crevettes est de les faire trop cuire, alors faites-les cuire jusqu’à ce qu’elles soient presque roses, puis ajoutez le beurre et environ la moitié du persil. Les instants de chaleur restants pendant que vous dressez suffisent pour terminer la cuisson. Complétez le tableau avec le reste du persil et laissez-vous rêver aux canaux, et à Saint-Marc, et au Rialto, et… ah, La Sérénissime !